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Areva : Scandale d’État ou scandale Lauvergeon ?

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L’histoire d’une tragique déconfiture: comment Anne Lauvergeon a ruiné en dix ans l’une des plus belles entreprises françaises.

C’est une maladie bien française que celle de ce fiasco engagé par un État inconséquent qui veut tout contrôler et finit par ne rien contrôler du tout. Le terrible échec de hauts fonctionnaires incompétents qui ne devraient jamais se retrouver à la tête de grandes entreprises industrielles, surtout lorsqu’elles sont mondialisées.

L’addition finale de toutes les erreurs commises par Anne Lauvergeon chez Areva sera sans doute proche de 15 milliards d’euros, et donc comparable à celle du Crédit lyonnais de Jean-Yves Haberer il y a une vingtaine d’années. Le record est toujours détenu par Michel Bon qui avait réussi, au début des années 2000, à générer un océan de pertes de 68 milliards chez France Télécom.

Ces trois-là resteront dans la période moderne comme ayant cumulé, à eux seuls, 100 milliards d’euros de pertes dans trois entreprises françaises magnifiques qui avaient la capacité de produire, à l’inverse, 100 milliards de bénéfices sous réserve d’être bien gérées. Hélas pour elles, elles appartenaient au domaine public !
Anne Lauvergeon, normalienne, agrégée de sciences physiques et ingénieur du prestigieux corps des Mines, Jean-Yves Haberer et Michel Bon, tous les deux énarques et inspecteurs des finances, ont un point commun très dangereux dans les affaires, ils sont mégalos. Il n’y a rien de pire que la folie des grandeurs quand on dirige une entreprise de classe mondiale.

Tous les trois sont d’ailleurs « tombés », entre autres, à cause de cela : Jean-Yves Haberer parce qu’il avait racheté les studios MGM de Hollywood et prétendait apprendre aux Américains à faire du cinéma, Michel Bon parce qu’il avait surpayé – 50 milliards d’euros – l’achat d’Orange aux anglais de Vodaphone, et Anne Lauvergeon parce qu’elle a misé beaucoup trop de milliards dans une usine nucléaire en Finlande qui ne marchera peut-être jamais… On reste abasourdi devant tant de folies !

Ancienne sherpa de François Mitterrand qu’il fallait caser quelque part, elle devient PDG de la Cogema en 1999, choisie par Dominique Strauss-Kahn et Lionel Jospin. Deux ans plus tard, elle est nommée présidente d’Areva, la nouvelle société faîtière qui réunit la Cogema, Framatome et CEA Industries: un groupe nucléaire intégré capable de tout appréhender, depuis la gestion des mines d’uranium jusqu’à la fabrication complète des réacteurs et le retraitement des déchets nucléaires.

Elle devient célèbre, est surnommée « Atomic Anne » et entre dans le classement des « femmes les plus puissantes du monde ». Elle parade dans les capitales et n’en fait qu’à sa tête, prenant alors le risque inouï pour son premier EPR, un réacteur nouvelle génération vendu à la Finlande, de signer, sans en informer son conseil d’administration, un contrat à coûts fixes, sans avenants et sans clauses de contentieux. En conséquence, tous les dépassements éventuels et tous les risques seront à la charge d’Areva.

Atomic Anne n’a peur de rien. Elle est sûre de son dossier et lance la construction sur l’île d’Olkiluoto de son fameux EPR, vendu 3,3 milliards d’euros avec une livraison garantie à la mi-2009. Elle envisage même de construire une bonne trentaine d’autres EPR à travers le monde : des objectifs beaucoup trop élevés – 4 seulement sont en route à ce jour et aucun ne fonctionne –, tout comme sa mégalomanie.

Son manque de réflexion stratégique, de rigueur et de prudence va la conduire à mettre en jeu, dans sa fuite en avant, l’existence même de l’entreprise qui est détenue par l’État à hauteur de 87 %, lequel ne joue pas son rôle d’actionnaire comme c’est souvent le cas en France, si tant est qu’il en soit capable.

En effet, rien ne va comme prévu à Olkiluoto. Areva manque de compétences, de nombreux ingénieurs de Framatome et de la Cogema ayant quitté le groupe lors de la fusion. Les Finlandais, très tatillons, obtiennent des ajustements onéreux qu’elle ne sait pas refuser ou renégocier.

Pendant la période de 2008 à 2011, Areva embauche massivement, 26.000 recrutements, et Atomic Anne continue ses tours du monde dans les jets de la société à la rencontre des chefs d’État intéressés par le nucléaire civil français, c’est-à-dire presque tous.

On peut comprendre que cela lui tourne la tête, mais pas à ce point-là : son EPR finlandais voit ses coûts doubler, puis tripler. Un énorme fiasco financier ! On en est à 8,5 milliards d’euros en 2015 pour un coût final estimé entre 9 et 10 milliards, à la condition que la livraison finale ait bien lieu en 2019, soit avec dix ans de retard !

Quant à ces mines d’uranium sans uranium, c’est une histoire insensée : elle achète au prix fort en 2007, pour 1,7 milliard, la société canadienne UraMin, censée disposer de plusieurs mines d’uranium en Namibie, Centrafrique et Afrique du Sud, alors qu’il ressort assez vite du dossier qu’il s’agit d’une vaste arnaque dans laquelle la présidente d’Areva se serait laissé piéger. En plus, elle ajoute un investissement de 1,2 milliard dans une usine de dessalement également en Namibie : au total, 3 milliards d’euros dilapidés en Afrique, mais sans doute pas pour tout le monde !

La valse des milliards n’a qu’un temps. Après dix années passées à la tête du groupe, elle doit quitter Areva en juin 2011, non sans avoir touché de substantielles indemnités. Soupçonnée d’être impliquée dans l’escroquerie présumée du rachat d’UraMin, elle en est disculpée à la suite d’un audit interne, mais une enquête préliminaire est ouverte ensuite par le parquet pour, selon Le Figaro, « présentation ou publication de comptes inexacts ou infidèles », « diffusion d’informations fausses ou trompeuses », « faux et usage de faux », sur la période 2007-2010.

L’enquête, confiée à trois juges d’instruction, dont le célèbre Renaud Van Ruymbeke, se rapprocherait actuellement de son second mari, Olivier Fric, un courtier en produits pétroliers installé en Suisse qui aurait influencé sa femme dans ce dossier UraMin qui sent de plus en plus mauvais.

Quant à notre célèbre Atomic Anne, qui a toujours été proche de François Hollande et qui vise aujourd’hui un poste de ministre en cas de remaniement, elle est restée telle qu’en elle-même, incroyablement inconsciente ou superbement futée.

Ayant accordé une longue interview très contrôlée aux Échos au printemps dernier, elle a mis en cause sans vergogne les responsabilités de l’État actionnaire, particulièrement sous la présidence de Nicolas Sarkozy, pointant également des « circonstances » anormales, des mines devenues non rentables ou le drame de Fukushima, et ne consentant qu’à ces quelques mots d’explication : « Quand on passe dix ans à la tête d’un groupe, on porte forcément une part de responsabilité… »

Un peu court, madame ! Il faudra sans doute trouver autre chose de plus solide en cas de poursuites. Mais, quand même, comment a-t-elle pu être nommée à un tel poste, rester aussi longtemps à la tête d’une entreprise aussi importante et avoir eu la possibilité de commettre autant de dégâts ?

Le Point


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